
Le nouveau président américain Joseph Robinette Biden Jr. a bel et bien prêté serment le 20 janvier 2012 à Washington dans des circonstances particulières. Pas de foule, sécurité renforcée, tous les invités masqués, Covid-19 oblige. Mais à part l’investiture elle-même, les prestations de serment, les performances musicales, les discours officiels et les prières, l’une des choses qui a retenu l’attention est le vibrant poème récité en l’occasion et qui a lancé un appel à l’unité dans un pays divisé.
Pour la 6e fois dans l’histoire des investitures de présidents américains, un poète a été invité à déclamer un poème. Cette fois-ci ce fut au tour d’Amanda Gorman, la plus jeune poétesse (22 ans) jamais invitée à une telle cérémonie, de lire le sien.
Le “poème inaugural”, comme on l’appelle, est une tradition lancée au début des années 60 aux Etats-Unis. Le premier à lire un tel poème fut Robert Frost pour John F. Kennedy en 1961. Le texte s’intitulait «The Gift Outright».
L’initiative s’est toutefois stoppée après le décès tragique du président Kennedy. Elle a repris en 1993 lorsque le président Bill Clinton a sollicité les bons offices de la célèbre poète américaine Maya Angelou pour déclamer un texte lors de la première investiture de l’élu démocrate. Celle-ci a lu “On the pulse of morning”. En 1997, Clinton a de nouveau demandé à un poète, son compatriote Miller Williams, originaire comme lui de l’Arkansas, de lire un texte en l’occasion de sa deuxième investiture.
De son côté, Barack Obama, pour son premier mandat, a demandé à la poétesse Elizabeth Alexander de présenter une œuvre originale pour son investiture en 2009. Après la réélection d’Obama, le poète Richard Blanco a lu “One Today”, un nouveau poème qu’il a écrit pour la cérémonie de 2013. Et pour Biden en 2021 ce fut la jeune Amanda Gorman qui a été choisie pour composer et réciter un texte sur l’unité nationale intitulé “The Hill We Climb (La colline que nous gravissons)”. Voici quelques extraits traduit de l’anglais au français:
“Nous avons vu une force qui détruirait notre nation plutôt que de la partager
Détruirait notre pays si cela veut dire retarder la démocratie
Et cet effort était à deux doigts de réussir Mais pendant que la démocratie peut être ponctuellement retardée
Elle ne peut être vaincue de façon définitive Nous croyons en cette vérité, en cette foi“, écrit Amanda faisant référence à la fameuse émeute orchestrée par les partisans de Donald Trump au Capitol le 6 janvier écoulé.
La poétesse dit encore:
“Nous nous battons pour forger une union avec un but
Pour composer un pays engagé dans toutes les cultures, couleurs, personnages et conditions de l’homme
Et nous levons nos regards non pas vers ce qui se tient entre nous
mais vers ce qui se tient face à nous
Nous mettons fin au clivage parce que nous savons, mettre notre futur en premier, pour atteindre nos bras
nous devons mettre nos différences de côté Nous déposons nos armes
et en former un autre“.
Elle conclut son poème par ces mots:
“Car il y a toujours de la lumière,
si seulement nous sommes assez courageux pour la voir –
si seulement nous sommes assez courageux pour l’être.”
Tous les poèmes inauguraux récités par divers poètes sont de belles œuvres d’art, mais sont également devenus des documents politiques, évoquant des moments spécifiques de l’histoire des États-Unis.
Force est de constater que la tradition poétique est plutôt une habitude démocrate. Seuls quatre présidents democrates- John F. Kennedy en 1961, Bill Clinton en 1993 et 1997, Barack Obama en 2009 et 2013, et Joe Biden en 2021 – ont fait lire des poètes lors de leur investiture. Ces présidents étaient connus pour leur goût de la lecture et de la littérature, souligne Poets.org
Aucun président républicain jusqu’ici n’a invité un poète à son investiture. Peut-être que ces derniers n’aiment pas les poètes.
Jonel Juste