FOOT-RETRO: Haïti-Brésil, la paix soit avec nous !

peace

Une atmosphère de paix a régné à Port-au-Prince après la fameuse rencontre Haïti-Brésil le 18 août 2004. Une rencontre qui a vu la sélection haïtienne de football se faire étriller sur un score de tennis de 6 buts à zéro. « Au moins, s’ils avaient marqué ne serait-ce qu’un but… », lâchaient désabusés certains spectateurs tandis que d’autres rétorquaient que « le Brésil a été plutôt clément », à l’issue de ce match pour la paix qui s’est déroulé 7 mois après le départ d’Aristide du pays.

Les Haïtiens étaient bien restés en paix après que la messe eût été dite. La messe qui a rassemblé des milliers de fans dans notre temple du football, le stade Sylvio Cator.

Le film des évènements

10 h am. Une longue file d’attente s’aligne déjà pour accéder au stade Sylvio Cator. Il s’agit de voir évoluer les Ronaldo, Ronaldinho ou autres Roberto Carlos. Très tôt dans la matinée, les forces de la MINUSTAH et les agents de la police nationale occupent la plupart des rues attenantes au stade qui allait recevoir les quintuples champions du monde. Sécurité maximale.

Le match est prévu pour 2 heures. A mesure que l’heure avance, la tension monte. Au centre-ville de Port-au-Prince, vers les 11h30, la vie s’arrête, les activités se paralysent complètement. Le cœur de la ville bat ce jour-là aux alentours et dans l’enceinte du stade Sylvio Cator.

12h30. A la Rue Monseigneur Guilloux, les files d’attente se font de plus en plus longues. Difficile d’accéder au stade. « Le temps qu’on y arrive, le match aura déjà terminé », lâche quelqu’un dans la file. Les forces de sécurité haïtiennes et onusiennes sont plutôt sur pied de guerre pour un match de la paix. Tout ce qui n’est pas muni du billet d’admission ne passe pas. Après avoir montré son “visa” et passé le contrôle de sécurité, faut-il encore qu’on vous fouille des pieds jusqu’à la tête. On ne joue pas avec la sécurité des champions du monde. Passé ce stade, prendre une longue file d’attente et se préparer à affronter le match.

Arrivé enfin à l’intérieur du Sylvio Cator, une autre ligne interminable. Et les marchandes de rafraîchissements qui revendent leurs marchandises au prix fort. « J’ai payé mes 100 dollars pour être là », rétorque l’une d’entre elles à un spectateur qui proteste. C’est bien l’occasion pour les petites bourses de se faire un peu d’argent. D’ailleurs beaucoup de tickets, apprend-on, ont été revendus au marché noir.

1h30. On est encore dans la file d’attente. Impossible de passer la grande barrière. Soudain, des lignes parallèles se forment et tout le monde veut entrer en même temps. Ce qui cause un embouteillage monstre à l’entrée principale. Les agents du CIMO placés à l’entrée sont dépassés, submergés par une marée humaine. De temps à autre, ils sont obligés d’avoir recours à leur matraque pour contenir une foule plutôt agressive. Voir les dieux du foot et mourir, semble être le mot d’ordre.

2h. Enfin à l’intérieur, le stade est déjà rempli. Le match tant attendu allait commencer. La présence de personnalités du monde artistique et politique se fait remarquer. Gracia Delva (Mass Compas), Michel Martelly (Sweet Micky), Roberto Martino (T-Vice), Emmanuel Sanon, des leaders de partis politiques comme Luc Mésadieu et notamment le Premier ministre Gérard Latortue et le Président brésilien Lula da Silva. Une foule bigarrée, aux couleurs d’Haïti et du Brésil, fait sentir sa joie d’être là. Certains se drapent du drapeau du Brésil ou d’Haïti. Beaucoup se parent des T-shirts “Haïti-Brésil match pour la paix” et des supportrices, nombril au vent, entendent séduire les dieux du stade. “J’ai appris que Ronaldo allait se marier, ça va faire un grand vide dans notre cœur. Alors il va falloir qu’il nous épouse toutes car il ne peut pas avoir qu’une seule femme”, plaisante une flopée de fans surexcitées. C’est l’heure des extravagances. Comme dans les matchs internationaux, la foule soulève la vague et fait résonner le « ohé, ohé, ohé ». “Biznis pam”, le tube du groupe Djakout Mizik met l’animation. Sur la pelouse, Ronaldinho esquisse quelques pas de compas. La foule applaudit.

2h15. Arrive le moment d’entonner les hymnes nationaux du Brésil et d’Haïti. Les spectateurs se mettent debout. Les officiels aussi. D’une voix semblant sortir d’une même poitrine, la foule reprend en chœur la Dessalinienne. Suivent des lâchers de ballon aux couleurs des deux pays. Les regards suivent les ballons qui disparaissent à l’horizon.

2h30. Le match peut enfin commencer. Nos petits gars se défendent pas mal et abordent le match avec confiance. Ils conduisent même des attaques qui leur ont valu une possibilité de penalty… refusé par l’arbitre. Et c’est alors que les géants brésiliens se réveillent. Et un, et deux, et trois, et quatre à zéro. Les Ronaldo, Ronaldinho et autres Roberto Carlos ne font pas de cadeau.

Fin de la première mi-temps.

3h30. Deuxième mi-temps. Sur un superbe coup-franc, Ronaldinho trouve pour la troisième fois le chemin des filets haïtiens et Nilmar achève le supplice en inscrivant le 6ème but brésilien. La foudre des dieux a encore frappé.

5h30. La foule quitte le stade. A la fois émerveillé d’avoir vu de ses yeux vu les prodiges brésiliens à l’œuvre et déçu de la prestation de l’équipe nationale. “Au moins, ils auraient pu marquer un but, l’honneur aurait été sauf”, entend-on sur le chemin du retour.

La foudre brésilienne a encore frappé mais cette fois-ci, c’est nous qui en faisons les frais. Bizarrement, ce 18 août 2004, on n’a pas entendu les grands cris de joie provenant des quartiers populaires, et c’est bien la première fois que le Brésil triomphe (et sur quel score!) sans mettre de bande de rara dans les rues de Port-au-Prince.

Jonel Juste, Aout 2004

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Author: jjuste02

Journalist, Communication Specialist, Social Media Marketer, blogger, writer, etc.

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