Je Suis Vladjimir!

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Cette semaine j’ai posté le hashtag #JeSuisVladjimirLegagneur sur mon profil Facebook, et je le pense vraiment … parce que j’ai été dans la même situation que Vladjimir.  Laissez-moi vous raconter mon histoire. Il y a treize ans, j’ai été envoyé à Bel-Air, un quartier populaire et, à l’époque, une zone de non droit au cœur de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti.

Par Jonel Juste

J’étais envoyé au Bel-Air après que la police haïtienne et les forces onusiennes aient fait une descente dans la région et tué deux personnes. J’ai été envoyé le lendemain du raid par le journal haïtien Le Nouvelliste pour faire un reportage. Dans la matinée de ce jour fatidique (14 janvier 2005), je me souviens que je ne voulais pas aller au Bel-air parce que j’avais peur. Je leur ai dit que je devais participer à une conférence de presse à Jacmel. Je mentais. Mon mensonge n’avait pas marché. Le secrétaire de la rédaction a insisté. Il m’envoyait à la mort, mais il ne le savait pas. Il m’a envoyé avec un autre journaliste, Claude-Bernard Sérant.

Nous sommes allés à contrecœur au Bel-Air. Quand nous sommes arrivés là-bas, les gens nous regardaient bizarrement. Nous avons essayé d’interviewer quelques personnes qui refusaient de nous parler, mais nous avons continué. Alors que nous essayions d’aller plus loin, alors que nous nous marchions dans un étroit corridor de ce quartier populaire, un groupe de jeunes hommes hostiles nous a encerclés et nous a arrêtés. Ils nous ont demandé où nous allions. Nous avons dit que nous étions des journalistes, nous venions juste de faire reportage. Ils ont dit: “Vous mentez, vous êtes des espions envoyés par la police. La police veut connaître nos faiblesses, afin qu’ils puissent revenir et nous tuer “. Un de nos interlocuteurs a ajouté: “Nous vous ferons la même chose que la police et l’ONU ont fait à nos frères”, ce qui signifie qu’ils nous tueraient. Nous avions compris alors que nous étions attaqués et il se pourrait qu’on ne sorte pas vivant de ce guêpier.

Essayant de rester calme (alors que je tremblais à l’intérieur), je m’efforçai d’expliquer que nous ne voulions aucun mal à personne alors que je promenais mes regards pour voir s’ils avaient des armes comme des revolvers. Je n’ai vu aucun revolver, mais j’ai vu des barres de fer, de gros bâtons et d’autres choses. Alors, je me suis dit qu’ils allaient nous battre à mort. Un des gars nous a demandé de nous identifier en tant que journalistes. J’avais mon badge. Mon collègue ne l’avait pas. Avant qu’ils nous tuent, ils voulaient être vraiment sûrs de notre identité. En rétrospective, je pense que le fait que nous travaillions pour un journal écrit nous rendait difficiles à catégoriser. En Haïti, les journalistes sont souvent identifiés comme des reporters ou présentateurs de nouvelles à la radio. Donc, ces gars-là ne pouvaient pas savoir avec certitude si nous travaillions pour Radio Caraïbes, Radio Métropole ou Vision 2000, les trois stations de radio qui, selon eux, ont joué un rôle majeur dans l’éviction d’Aristide en 2004.

Pendant que je parlais à nos assaillants, Claude Bernard Sérant, mon collègue, luttait avec eux. Peut-être pensait-il que nous ne sortirions pas vivants de Bel-air ce jour-là, et que se battre pour sa vie était la seule issue. Il s’est échappé, couvert de sang. “Ok, ton collègue s’est échappé, on ne te laissera pas partir”, m’a dit un des gars. Je tremblais, je demandais grâce. «S’il vous plaît, ne me tuez pas, je vous en supplie, je suis vraiment journaliste, pas un espion, je ne vous veux aucun mal», dis-je alors que des larmes coulaient dans mes yeux. “S’il vous plaît, vérifiez mon badge, appelez à mon lieu de travail, ils confirmeront mon identité”, j’ai imploré. Finalement, l’un d’eux a accepté “avant de [m]e tuer”. Ils ont appelé Le Nouvelliste et le journal a confirmé que j’étais journaliste. Après la confirmation, certains ne semblaient toujours pas convaincus; ils ont continué à me menacer alors que d’autres demandaient de me relâcher. Pour résumer l’histoire, ils ont accepté de me laisser partir, grâce à Dieu. Mais avant, l’un d’eux m’a frappé à l’arrière de la tête avec un bâton. Mon sang a giclé et s’est répandu partout sur mes vêtements. Mes aggresseurs m’ont laissé partir avec un avertissement : “Ne reviens plus jamais ou nous te tuerons cette fois”.

Je n’oublierai jamais ce jour. Je me promenais dans les rues de Port-au-Prince couvert de mon propre sang. Peut-être que certaines personnes pensaient que j’étais un zombie qui s’était échappé d’une maison funéraire à proximité. Pour moi, il s’agissait plutôt d’une nouvelle naissance. On m’avait donné une seconde chance. J’étais heureux d’être en vie. Je suis heureux d’être encore en vie pour raconter mon histoire 13 ans plus tard.

Je souhaite que Vladjimir Legagneur, où qu’il soit, aura comme moi une seconde chance à la vie.

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Author: jjuste02

Journalist, Communication Specialist, Social Media Marketer, blogger, writer, etc.

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